samedi 18 novembre 2017

Nock innove avec ’’Les éveillés’’

Dans le cadre de sa prochaine exposition

L’artiste peintre et sculpteur béninois, Nock, de son nom à l’état civil, Eunock Hounkpèvi, tient, dans les prochains jours, une exposition à ’’La maison rouge’’, un cadre de présentation au public d’œuvres artistiques, situé au niveau des villas Cen-sad, à Cotonou. L’opportunité pour l’artiste de nouvelles inspirations en sculpture.


Nock, avec quelques "éveillés"
Des sculptures, pour la plupart d’entre elles, de plus d’un mètre de long, produits sur le fondement de matériaux locaux du Bénin, complètement inattendus. La substance de l’exposition que prépare Eunock Hounkpèvi, alias Nock, pour surprendre et impressionner le public, au cours d’une exposition dont le vernissage est prévu pour le jeudi 23 novembre 2017, à ’’La maison rouge’’ de Cotonou. Intitulée ’’Les éveillés’’, cette exposition s’annonce comme un tournant remarquable dans l’inspiration sculpturale de Nock. Pour la première fois, il donnera à voir des sculptures hautes, conçues avec un agencements de matériaux novateurs tels que la calebasse, la corde mais, aussi, avec un autre dont on lui connaît l’habitude de l’utilisation : la latérite.
Ces sculptures doivent absolument être vues parce qu’elles incarnent des personnages qui se mettent en luttent contre les fléaux de notre temps : ’’les éveillés’’. Un autre élément d’originalité reste que des onjets-symbole tels que la palette de cuisine, le gong géminé, les talismans, des noix, trouvent une place de choix dans l’élaboration matérielle des sculptures. Vivement, donc, le jeudi 23 novembre prochain, pour que le public se rende compte de la portée de la nouvelle orientation de Nock vers des matériaux locaux qui, selon lui, facilitent un travail sur place, durable dans le temps.

Marcel Kpogodo

vendredi 17 novembre 2017

Patricorel, l’artiste-bouteille de la résurrection créatrice

Dans un univers de personnages qui amenuisent la pourriture sociale

Aureil Patrick Bessan utilise la nature pour contribuer à corriger les maux de tous ordres, qui y fragilisent la vie. Ce qu’il faudrait retenir d’une incursion qu’il a bien voulu permettre dans son monde, celui dans lequel s’épanouissent son travail et le fruit de ce qu’il en sort quotidiennement : des personnages peu conventionnels, eux qui s’incarnent par le souffle de vie, qu’il leur donne, lui, leur dieu, pour une mission simple qu’il leur assigne : témoigner du mauvais quotidien du monde, en faire prendre conscience aux hommes et, notamment, éterniser des pistes de résolution de ces problèmes.  

Patricorel devisant avec l'ex-guerrier
Aureil Patrick Bessan entoure affectueusement, de l’un de ses bras, Dana, cette femme laborieuse, un bébé au dos, le visage noir d’ébène, desséché par le soleil ardent de ses parcours, entouré d’un voile avec, sur la tête, un colis dont l’élément qui ressort le plus est une natte, les lèvres arrondis, dans le récit de ses malheurs ; le signe qu’elle est très éprouvée. Selon lui, elle a courageusement pris ses jambes à son cou, fuyant son pays en guerre et, la voilà réfugiée au Bénin, à Cotonou, dans une maison du quartier d’Agla; le bras très consolateur dont il la protège, porteur d’une bonne chaleur humaine, la réconforte.
Lui, dans un cadre qu’il a bâti à sa personnalité intrinsèque, celle de titulaire d’une Maîtrise en Histoire de l’Art et qui dédie sa vie à l’art contemporain, lui que sa métamorphose réussie en un artiste récupérateur a transformé en Patricorel, est très familier de ce monde dans lequel évolue l’infortunée Dana qu’il connaît profondément, pour l’avoir faite de ses mains !
En effet, l’élément de base du visage de Dana est une bouteille renversée, ses yeux, son nez et ses lèvres d’un arrondissement figé ont été conçus selon une technique dont seul le jeune créateur a le secret, sans compter que ses membres sont aussi de la bouteille, pendant que la consistance de son corps est tenue par du tissu.

Patricorel posant avec Dana
Dans un atelier de travail gardant l’allure d’une salle de concertation, d’autres compagnons de Dana exposent leur histoire, leurs expériences de la vie, celles-ci sont diverses, variées, touchantes, impressionnantes, intéressantes, révélatrices ; des portraits, accrochés au mur, exhibent fièrement leur visage en feuille d’arbre séchée, à l’allure d’un masque de ’’kaléta’’, et leur abondante chevelure en lamelles de tissu. Certains personnages ont un corps de bois, habillé d’un ample tissu hollandais tant prisé par les Africains, d’autres ont la tête coiffée du chapeau traditionnel dont ils ont la mission de rappeler et de promouvoir l’existence : le ’’gobi’’, son sommet peut être tourné du côté où l’on le souhaite. Comme Dana, d’autres ont le visage de bouteille, à l’instar de l’ancien guerrier qui, du dehors, accueille tout nouvel arrivant ; géant, d’une robustesse de bois, il fait la fierté de Patricorel, vu un signe plus que fort, très remarquable de sa renonciation à la guerre : le canon de son long fusil, de bois aussi, est baillonné d’un morceau de tissu ; son très ample survêtement délavé en dit long sur une certaine odyssée périlleuse, de même que son foulard de barbouze, sur les tueries que la tête qu’elle attache ont pensées et que ses mains, désormais inexistantes, ont exécutées.
Concernant cette assemblée qu’il veut instructive pour le public, le discours de Patricorel, matérialisé à plusieurs niveaux du mur de l’atelier, se révèle d’une grande simplicité : « Les œuvres d’art donnent les mêmes leçons que les grands livres classiques » ; à l’en croire, toutes ces sculptures portent l’histoire d’une  démarche de travail, à nulle autre pareille. Et, pour arriver à ce résultat, aucun objet n'est acheté, tout est récupéré en situation de jet, d'abandon ou d'attente d'une situation de destruction. 


Une diversité de matériaux

Serait-il exagéré de l’appeler ’’l’artiste-bouteille’’ ? Il n’y a aucun doute que non, puisque les bouteilles de vin et de tous les genres sont le premier matériau qu’il utilise, ce qui lui permet, surtout, de camper des visages. Pour lui, la facilité pour la bouteille de se casser témoigne de sa fragilité qui traduit celle de l’espèce humaine, frappée par la maladie, la vieillesse et la mort. Et, il arrive à Patricorel de concevoir une œuvre d’art de bouteille en gigogne, c’est-à-dire qui laisse voir une bouteille incluse dans une autre, d’où, pour lui, la fragilité de l’humain est contenue dans celle du monde, ce qui lui permet d’attirer l’attention, par cette œuvre, sur la double fragilité. 
D’un visage à un statut social plus que difficile, c’est celui de réfugié que servent à l’artiste à restituer les feuilles sèches, les feuilles mortes, même les feuilles incomplètes : « Je les maintiens telles qu’elles sont et j’y colle de petits papiers pour donner une forme complète au visage », explique-t-il, tout en continuant : « Les feuilles mortes sont le résultat de plusieurs faits de maltraitance : le piétinement des hommes, les bestioles qui les attaquées dans leur état vert et le pourrissement ; c’est le cycle de vie des réfugiés qui sont jetés sur les routes et livrés à la pauvreté par la guerre. Chaque feuille morte représente un réfugié », finit-il.

Patricorel en pleine conférence ... Pas de dérangement, s'il vous plaît ...
Parlant de la guerre, un autre fléau de notre époque, Patricorel lui consacre tout un discours de rejet par son exploitation artistique du bois récupéré de la nature ambiante. Ses explications permettent de comprendre, à ce propos, qu’il prend ce matériau dans la rue, n’importe où, le garde tel quel et l’abandonne, plus ou moins en vue, jusqu’au moment où une inspiration subite lui suggère un message adapté à la forme qu’il présente. Après cela, il peut y travailler en y perçant des trous, en y mettant des clous, ce qui symbolise  les coups de fusil, les coups de canon, qui tonnent au cours des guerres. Ainsi, les visages qui se profilent, spontanément, incarnent, reconstituent, selon l’analyse de l’artiste, « toutes les personnes ayant perdu la vie au cours d’une guerre » ; ces œuvres sont, pour lui, un tremplin, pour passer un message de paix ». C’est de cette manière que le personnage emblématique, structuré de bois, qui accueille les visiteurs arrivant à son atelier, tient un fusil bâillonné, purement et simplement
De la bouteille au bois en passant par le tissu et la feuille morte, des personnages se font jour, grâce au savoir-faire d’un artiste qui sait associer des matériaux accessoires, secondaires tels que la peinture, le feu, la colle, le stylo, qui contribuent à achever, à affiner les œuvres d’art, à en effectuer la finition.
De la bouteille au bois en passant par le tissu et la feuille morte, ce sont des objets délaissés, abandonnés, jetés en pleine nature, sur des dépotoirs sauvages d’ordures, dans des ateliers, que Patricorel prend à lui, récupère, traite, sur lesquels il travaille avec ardeur, ferveur et avec une incandescence, une chaleur spirituelle. C’est ainsi que cet artiste exerce l’art de la récupération, dans le but de faire passer un message fort, celui qui consiste pour lui à s’insurger contre la surconsommation, en vogue à l’époque contemporaine. Selon Patricorel, elle a un impact dangereux sur l’environnement, par le rejet massif de déchets de toutes sortes dans la nature.


Une résurrection par les mots

La nouvelle vie que crée et développe Patricorel par les objets-ordures dont il libère, dont il assainit l’environnement, se concrétise, d’une part, par des personnages dotés d’une histoire à but de militantisme et, d’autre part, à travers les mots qu’il agence, qu’il met en harmonie pour évoquer, restituer et immortaliser l’histoire de l’objet qu’il a sauvé. De la capacité du labeur manuel à la production du texte ’’récupératif’’, le poète d’artiste-bouteille exerce un art poétique prenant la dimension ’’chair’’ que le créateur suprême a donnée au verbe. Par le texte, la sculpture est pourvue, en bonne et due forme, de l’esprit, d’où une résurrection totale.


Bons faits d’arme

A peine arrivé dans le monde des artistes récupérateurs, remarqué par l'acteur culturel français Jean-Pierre Puyal, Patricorel, par un savoir-faire méticuleusement mené et par l’originalité de sa démarche de travail, s’est vu donner l’occasion de tenir des expositions hors du Bénin. D’abord, du 2 au 30 août 2017, il montrait son travail à la ’’Cave coopérative’’ de Condom, un centre de fabrication de vin, dans le Département du Gers, non loin de la ville de Toulouse, en France. Là, les bouteilles étaient à l’honneur puisqu’elles furent le fondement de l’exposition. Un mois plus tard, dans le même pays, il était au Château de Cassaigne. Enfin, le Centre culturel ’’Cavéa’’, à Valence-sur-Aise,  a aussi accueilli son travail, sur le thème des réfugiés, ce qui a offert à Patricorel l’opportunité de faire valoir bouteilles, bois et feuilles dans un processus de résurrection artistique.
Comme projet, dans l’immédiat, l’artiste entend réaliser, à but de sensibilisation, une exposition de rue, à Agla, son quartier d’habitation, « pour permettre à tout le monde d’avoir accès à mon art », précise-t-il.                
     


Marcel Kpogodo