dimanche 7 avril 2013

Art de la sculpture au Bénin

Sébastien Boko, le coup double  de l'excellence

Sous une apparence réservée, sous des dehors de grande discrétion, Sébastion Boko, artiste sculpteur sur bois, béninois, déploie un génie de travail qui n'est pas connu par tous. Justement, son travail, apparemment peu remarquable, est percutant. Et, comme le talent ne peut jamais rester longtemps sous le boisseau, Sébastien Boko vient de démontrer la force de son exercice artistique, à travers deux circonstances différentes de rude sélection, où il dicta la loi du plus compétent, celle de la première place.

"Dahoméennes enceintes"
Sébastien Boko vient d'honorer le Bénin par sa victoire sans appel à deux compétitions organisées au niveau international pour le reconnaissance de sculpteurs de poids. D'abord, du 14 au 16 août 2012, pas moins de trente artistes béninois de ce domaine se sont retrouvés à Ouidah pour s'affronter. Il s'agissait que le meilleur d'entre eux se qualifie pour prendre part à une autre compétition plus serrée. Le thème ayant servi de fondement d'inspiration aux concurrents était ainsi libellé : "Bois, art, culture et joie". Après la prestation de chacun par la production d'une sculpture, Sébastien Boko fut qualifié pour représenter le Bénin en Tanzanie. C'est après avoir présenté l'oeuvre intitulée: "Dahoméennes enceintes". Selon lui, son message était celui de la matérialisation du processus que suivait la femme dahoméenne dès qu'une grossesse était décelée chez elle; elle devait subir une consultation chez un charlatan qui se chargeait de lire de quelle facture morale serait l'enfant qui naîtrait. Dans le cas où le présage n'était pas favorable ou s'annonçait menaçant pour sa réussite dans la vie, des sacrifices étaient faits chez un fétiche pour conjurer le malheur.


L'étape tanzanienne

"Comme du riz"
Armé de sa distinction et de son avis de sélection, le vainqueur, couvert du drapeau béninois, se rend en Tanzanie pour frotter sa pratique artistique à celle de vingt-neuf autres aspirants à la consécration finale, représentant chacun un pays africain. Le contexte de la compétition était le symposium "Wood is good". Il s'est déroulé du 17 au 24 mars 2013 en terre tanzanienne. Six sujets étaient soumis au choix des candidats. Celui dans lequel le Béninois choisit de s'inscrire se formulait explicitement : "Utilisation historique et valeur culturelle du bois". Répondant à cet appel, Sébastien Boko conçoit une nouvelle sculpture en bois : "Comme du riz". Il voulait, par cette formulation, faire allusion à l'existence du bois dans la société africaine, plus particulièrement dans la nourriture. L'oeuvre sculptée laissait voir un tam-tam et l'objet de divination du consultant de l'avenir, le "fatè", en langue fon. Elle avait des dimensions de 1,20 m de hauteur sur 30 cm de largeur, et a pris à l'artiste deux jours de travail. Verdict : il obtient, une fois de plus, le premier prix, semant ses adversaires. 


Impressions

Sébastien Boko
De retour au pays, c'est un Sébastien Boko plus que jamais discret qui se confie aux journalistes. Désormais auréolé d'un prix national et d'un autre, africain, ce sculpteur sur bois de 28 ans capitalisant sa douzième année de carrière, pense que ces compétitions auxquelles il a participé avec succès donnent plus de confiance à son choix artistique ; elles permettent que les gens accordent de l'importance à ce qu'il fait. "Il me reste beaucoup de choses à apprendre et beaucoup de choses à faire ; ce n'est que le début, ce n'est qu'un encouragement à croire plus en ce que je fais et à aller au-delà de moi-même", conclut-il. Quand il s'agit pour lui d'aborder les perspectives qu'il se construit à moyen ou à court terme, il affirme vouloir travailler beaucoup plus encore dans le but d'approfondir son art. Il entrevoit en outre pour plus tard de faire des expositions.
Si, cependant, un hic se fait jour, il concerne l'anonymat total dans lequel ce jeune artiste talentueux fait des preuves professionnelles qui annoncent une génération qui, bien que discrète, n'entend pas marchander sa compétence. Inévitablement, la persévérance dans cette voie aidera à faire remonter jusqu'aux autorités compétentes, la vérité du caractère incontournable de la force de sculpture de Sébastien Boko que n'attendra qu'un succès multidimensionnel bien mérité.

Marcel Kpogodo

Anicet Adanzounon dans le théâtre béninois

Un génie de valeurs personnelles en action

Dans l'univers du théâtre béninois, un jeune homme, d'une convivialité professionnelle, envahit de son énergie  chaque environnement qu'il côtoie. Dans ses yeux, l'empreinte d'une joie de vivre peu partagée chez les personnes de son âge. Par un état d'esprit aussi dégagé, il défie l'absence ambiante de pragmatisme et gravit de nombreux échelons dans sa carrière d'artiste. Anicet Adanzounon, ce feu qui brûle sur son chemin toute situation de stagnation, impressionne par l'audace qu'il développe de ne pas s'en laisser conter par tout ce qui voudrait l'empêcher de poursuivre son évolution.

Dans la première moitié de la trentaine, dreadlocks sur la tête, comédien, humoriste, metteur en scène, il est le stratège créateur de la Compagnie ''Coco théâtre'', qui s'investit particulièrement dans ce qu'il appelle le ''Théâtre de proximité'', c'est-à-dire un théâtre qui entre en communication directe avec les Béninois en s'intéressant à leur quotidien et en faisant intervenir les langues maternelles servant de vecteur à des spectacles qui sont joués près des habitations.
C'est sa manière à lui, Anicet Adanzounon, de montrer à ses parents et à ses proches ce qu'il exerce comme métier, eux qui ne peuvent pas toujours se rendre à l'Institut français du Bénin pour suivre ses spectacles. Il prend aussi ces précautions pour sa famille qui ne comprend pas ce métier de comédien. Pour lui, celle-ci doit voir de quelle manière il travaille pour toucher du doigt le sérieux de son activité professionnelle.
Cette énergie positive active qu'il dégage physiquement et spirituellement vous envahit et vous contamine de la manière qu'il a de concevoir la vie, qui lui ouvre toutes les portes et qui lui permet de gravir facilement les montagnes, d'écraser les obstacles ; son hilarité spontanée et débordante répand autour de lui la joie de vivre et de gagner ses défis.
Anicet Adanzounon, l'hilarité au service de l'efficacité professionnelle  et de la réussite ...
A son âge, il est d'une activité théâtrale intense qui le sort d'emblée de l'atmosphère ambiante quotidienne de chômage des jeunes et de précarité de l'emploi : il est régulièrement en tournée et fait bénéficier au public, qu'il soit nationalement béninois ou sous-régional ouest-africain, de sa force artistique. Celle-ci, il la mérite bien, ayant, d'abord, sur les bancs de l'école, cultivé l'art théâtral, à travers la coopérative scolaire, au cours de la période révolutionnaire, et ayant souvent joué dans des pièces religieuses à l'église, où il imitait Jésus. Ensuite, il s'est beaucoup investi dans le Festival Kalétas, mené pendant plusieurs années par Orden Alladatin, Ancien Directeur du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb). Une autre circonstance qui affermit son talent théâtral s'étant renforcé de capacités de metteur en scène et de scénographe : un an de formation au Cours d'écriture, de scénographie, d'administration et de mise en scène (Césam), une structure pédagogique initiée par un poids lourd très discret du théâtre béninois, Hermas Gbaguidi. D'ailleurs, le spectacle "Atchadido", qu'il a joué, dans le dernier trimestre de l'année 2012, à l'Institut français du Bénin, d'une part, et, avant et après, dans une tournée départementale et sous-régionale ouest-africaine, constitue  son mémoire de fin de formation au Césam.
Anicet Adanzounon a du succès ! Il travaille beaucoup, ces mois-ci, avec son ancien formateur, Hermas Gbaguidi dont, semble-t-il, il est devenu un partenaire et, c'est un engagement du duo dans un grand nombre de projets dramatiques au Burkina Faso, qui ne peuvent que l'épanouir. Il rayonne et, son secret est simple, selon ses propres propos : "Chercher à se connaître et être sincère avec soi-même ; si tu te trompes, tu détruis ton avenir". Toujours à l'endroit des jeunes de sa génération, il montre que les jérémiades sont incompatibles avec un avenir radieux, d'où une certaine thérapie en questionnement : "La jeunesse qui passe le temps à se plaindre ne consacre pas un peu de temps à sa vie : "Qu'est-ce que je suis?", "Qu'est-ce que je peux faire?", "Qu'est-ce que j'apporte?", "Je vais où avec cela?", "Je peux coopérer avec qui pour avoir quoi?", voilà ce qui suscite des réponses qui peuvent sauver la jeunesse en perte de repères". Sûrement, c'est pour être passé par cette étape assez sensible qu'aujourd'hui, Anicet Adanzounon peut s'enorgueillir de vivre de son métier d'homme de théâtre : "Je ne me plains pas parce que je ne suis pas venu au métier par hasard ; je sais ce que je veux, je suis très patient et je travaille beaucoup". Ainsi, avec une dizaine de créations théâtrales à son actif, il fait valoir d'autres supports d'ordre psychologique à son efficacité : le courage, la détermination, la persévérance. Ce père de deux enfants qui, à un moment stratégique de sa vie, a dû, pragmatiquement, laisser de côté la comédie musicale pour s'investir à fond dans le théâtre, rêve de créer un espace culturel à Abomey-Calavi, sa commune d'habitation. Etant donné la qualité de son mental, il n'y a aucun doute qu'il puisse remporter ce nouveau défi. Autant qu'il irradie de sa vision combative de la vie.

Marcel Kpogodo