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dimanche 9 octobre 2016

L’artisanat et l’art en exposition sur le fil

Dans le cadre d’un projet Boucher-Adonon 


Du 16 au 21 septembre 2016 s’est tenue une exposition sur le résultat de plusieurs semaines d’un travail artisanal et artistique sur le fil. Le cadre en était le Centre ’’Arts et cultures’’ de Lobozounkpa, à Godomey, dans la Commune d’Abomey-Calavi.

Martine Boucher, dans ses explications, au cours de l'exposition
12 tisserands engagés, un peu plus de 20 photographes, designers textile, stylistes. La statistique de la ressource humaine émanant des secteurs de l’artisanat et de l’art, celle qui a été mobilisée, pendant une trentaine de jours, pour le compte du projet intitulé, ’’Autour du fil’’ et dont l’exposition des œuvres, close le 21, a été réalisée le vendredi 16 septembre 2016, dans une ambiance musicale d’une certaine vivacité, entretenue par l’orchestre, ’’Wood sound’’.

Calixte Somaha, représentant de ''Wallonie-Bruxelles'', à la cérémonie de lancement de l'exposition
Constant Adonon
L’aboutissement que constitue l’exposition se fonde sur un projet co-piloté par Martine Boucher et Constant Adonon, avec un financement de ’’Wallonie-Bruxelles’’, dans le cadre de ce qu’il a été convenu d’appeler un « atelier africain de design ». Parmi les compétences artistiques y ayant enrichi leur expérience, il faut compter, parmi les photographes, Audace Aziakou, Louis Oké-Agbo, Brunick Bonou, Yanick Folly, Sophie Négrier, Warren Saré et Totché, puis dans celle du design textile, Prince Toffa, Vincent Baillou, Estelle Chatelain, notamment, sans compter que les tisserands s’étant investis dans l’initiative proviennent d’un historique site de travail, le palais d’un souverain compté comme un grand innovateur au Royaume du Dahomey : le Roi Agonglo.


Quelques objets utilitaires fabriqués au cours de l'atelier
Ainsi, avec le fil comme matériau d’inspiration, toutes sortes d’œuvres ont vu le jour, et même des objets utilitaires, comme des sièges, ce qui contribue à valider une logique chère à Martine Boucher : la modernisation d’un processus d’exploitation du fil, délétèrement ancré dans un conservatisme peu productif à notre époque, sans oublier l’ouverture d’un corps de métier au monde, tout simplement.


Marcel Kpogodo

lundi 21 janvier 2013

Biennale Regard Bénin 2012

''La débrouille'', un regard valorisant des handicapés

La devanture du cadre d'exposition du Projet spécial ''La débrouille'', à Fidjrossè, lors de sa tenue
La Biennale ''Regard Bénin 2012'', inaugurée depuis le 8 novembre 2012, a donné lieu à la mise en oeuvre d'un certain nombre de projets spéciaux. Parmi ceux-ci, il faut compter ''La débrouille'', porté par l'Association ''Vakpo''. Il s'est déroulé à la Boutique du même nom que le Projet spécial, située au Boulevard Gondouana, à côté de l'Espace ''O'', à Fidjrossè-Calvaire. De par ses activités, cette initiative a mis en exergue une compréhension profondément humaine de la situation d'handicapé. Ceci se révèle par le travail original et multidimensionnel de quatre artistes ayant exposé, déterminés à faire tomber les tabous sur les personnes handicapées, à les faire percevoir sous un regard plus humain, à les faire aimer.

Sébastien Boko, Marius Dansou, Sophier Négrier et Nathanaël Vodouhè. Voici le quartuo d'artistes exposant dans le cadre du Projet spécial ''La débrouille'', qui s'est engagé dans le processus de destruction des préjugés négatifs qui maintiennent les handicapés de tous ordres dans la marginalisation sociale, ce qui débouche sur la mendicité, notamment, dans les lieux de culte et sur les places publiques, pour la grande majorité de ceux qui n'ont pas réussi à cultiver un état d'esprit de foi en leurs capacités de victoire sur la précarité. Ces artistes, ce sont, respectivement, un sculpteur sur bois, un sculpteur sur fer, une photographe et styliste, et, enfin, un peintre. Dans le cadre de la Biennale ''Regard Bénin 2012'', ils ont fait connaître le concept ''La débrouille'', sous la forme d'un projet spécial, par une exposition dont le vernissage avait eu lieu le 8 novembre 2012, et qui s'est achevée le 31 décembre de la même année. Ils avaient réalisé cette activité à la Boutique ''La débrouille'', au Boulevard Gondouana, à côté de l'Espace ''O'', dans le quartier Fidjrossè-Calvaire, En réalité, chacun d'eux, selon le domaine d'art qui le concerne, a investi l'univers des handicapés pour projeter, soit des objets à la fois artistiques et commerciaux, donc, des utilitaires adaptés à leur handicap, soit une vision qui permet à ces démunis un certain nombre de largesses artistiques, un certain nombre de rêves qui pourraient, qui sait, demain se concrétiser s'ils développent la force de s'accrocher à ceux-ci. Certains de ces artistes se retrouvent des deux côtés. 

Le trône-siège pour handicapés des membres inférieurs

Marius Dansou, le faiseur de roi
D'abord, dans le camp des artistes qui proposent, à la fois, un rêve et des articles utilitaires, nous avons Marius Dansou. Pour lui, il faudrait imaginer une personne handicapée roi. Ceci l'amène à lui sculpter, en fer, un fauteuil roulant auquel il a adapté le concept original d'un trône dont il peut détacher le fauteuil. Ainsi, dans sa vie quotidienne, l'utilisation de cet objet avec le trône incorporé, surtout s'il se trouve à domicile, aura comme avantage d'amener cet être défavorisé à imaginer qu'il peut être un souverain, au-delà de cela, dans le contexte moderne, un leader, un dirigeant politique, un draineur de foules. "J'ai fait ce trône pour rassurer les handicapés qu'ils sont aussi des personnes à considérer, pour leur dire qu'un handicapé peut être Président de la République. Pourquoi pas? " 

Sébastien Boko, le styliseur
Les béquilles artistiques de Sébastien Boko
Cet artiste aussi est sculpteur mais, sur bois. Sa partition dans ''La débrouille'', Projet spécial de la Biennale ''Regard Bénin 2012'', c'est une installation un peu singulière, une installation de béquilles auxquelles il a donné une touche artistique. Selon lui, les objets utilisés habituellement par les handicapés sont juste fabriqués pragmatiquement pour jouer un rôle précis. Ainsi, ils sont dénués de toute esthétique, ce qui l'a poussé à décider de "styliser'', dans le cas d'espèce, des béquilles ; celles-ci peuvent jouer le rôle qu'on leur connaît tout en développant une certaine beauté, il les a conçues de façon à ce qu'elles aient une forme humaine, que celle-ci soit un homme ou une femme. Et, son explication en est simple : "Un être humain, quelque part, est une béquille pour quelqu'un d'autre. A un certain moment, quand on tombe amoureux, on sent directement ce qui se passe, quand la personne aimée n'est pas là, on ne se sent pas bien. Du coup, une femme, une copine, est une béquille pour l'homme, l'homme aussi est une béquille pour la femme. En dehors de cela, il y a les mamans, les enfants ; un enfant est une béquille pour ses parents, ils l'ont voulu, ils l'ont eu, il donne du sens à leur vie. Je trouve donc que tout être humain est important, il est là pour quelque chose, il a son rôle qu'il joue et les autres ne s'en rendent pas compte".      
Les handicapés épanouis et renés de Sophie Négrier

Sophie Négrier, la bivalente 
Elle s'est fait remarquer, dans cette exposition, qui s'est déroulée, du 8 novembre au 31 décembre 2012, avec deux casquettes : celle qu'on lui connaît de photographe et, l'autre, complètement inattendue de styliste.
Dans le premier cas, il y a eu des photographies dont la beauté réside dans le fait du raffinement de la perspective des prises de vue et dans la stylisation de l'image des personnes handicapées choisies comme modèles. Sophie Négrier a su réussir à faire dépasser, du côté du regard du visiteur de son exposition de photos, la répulsion instinctive que suscite la vue d'un handicapé. A première vue, les modèles ne sont pas des personnes de ce genre tellement, ces photos leur ont restitué de nouveaux pieds, elles leur ont donné une certaine résurrection physique, elles ont participé à donner une meilleure image d'eux, surtout que certains modèles sourient, se moquent de leur handicap, le dépassent et le noient dans une espérance leur permettant d'entrevoir un avenir réellement reluisant. Par ses photos, Sophie Négrier aura produit un impact, chez les handicapés, de révélation en eux de potentialités cachées, voilées par un condition social peu recommandable, délétère.

Du côté du stylisme
Des habits pour handicapés, sous la coupe de Sophie ...
Sophie Négrier styliste ! Pour ceux qui n'avaient pas cette information, le Projet spécial ''La débrouille'' de la Biennale ''Regard Bénin 2012'' a permis de révéler un autre des champ de travaille de cette photographe, très connue de plusieurs porteurs de projets béninois, ayant fait montre de son professionnalisme sur un nombre non négligeable d'événements culturels. Dans son travail, elle s'est intéressée aux handicapés des membres, plus précisément aux amputés pour qui elle a confectionné des tenues prenant en compte la spécificité de leur handicap.  Ensuite, elle a réalisé des photos qui, d'une part, magnifient physiquement les handicapés, et qui, d'autre part, exposent clairement leur handicap tout en donnant à celui-ci un aspect plus reluisant, plus représentatif de cet aspect différent de ce qu'est l'être humain. Dans le premier cas, ces habits pouvaient, au cours de l'exposition, être achetés et emportés par les personnes handicapées ou par tout autre individu. Cette vocation styliste de Sophie Négrier vient montrer une grande capacité de polyvalence. 

De la droite vers la gauche, la toile ''Univers'', notamment, de Nathanaël Vodouhè 
Nathanaël Vodouhè, le fidèle
La licence particulière de Nathanaël aux handicapés visuels
Lui a travaillé beaucoup plus avec et pour les handicapés visuels. Comme il le précise, c'est "ceux qui n'ont jamais vu de leur vie". Son oeuvre de participation au Projet spécial ''La débrouille'' est constituée par quatre tableaux qu'il a exposés. Il nous entretient un peu de la démarche qu'il a suivie à cet effet : "A un moment donné de mon travail, j'ai été obligé d'aller vers ceux-là, dans leur Centre, à Sègbèya, à Akpakpa, et je leur ai posé un certain nombre de questions. Avant même de leur poser des questions, j'ai juste cherché à leur expliquer ce que, moi, je fais, mon travail et, ils ont compris. Donc, on a échangé d'abord." Les tableaux granuleux qu'il a présentés sont le fruit de ses discussions avec les handicapés visuels ; elles lui ont permis d'utilisé du sable de plage dans la confection des oeuvres  afin que celles-ci soient lisibles au toucher. En ce qui concerne les couleurs, il a fait l'option des monochromes, ce qui a permis de voir un tableau tout en noir, un autre en blanc, un autre encore en couleur sable. De manière générale, Nathanaël Vodouhè laisse entendre que ces tableaux, étant destinés aux non voyants, le voyant ne pouvait y avoir accès au message qu'en fermant lui aussi les yeux. Donc, entrer dans l'univers des destinataires de l'exposition faisait partie d'un cheminement incontournable d'initiation du rapport de ceux-ci aux objets.  
En fin de compte, le Projet spécial ''La débrouille'' aura innové par l'intérêt d'un groupe de jeunes artistes travaillant au Bénin pour une vie des handicapés qu'ils ont appréhendée de l'intérieur et qui a suscité, chez chacun d'eux, une inspiration artistique débouchant sur la création d'objets utilitaires et ornementaux. C'était la manière de ces créateurs d'oeuvres de l'esprit d'ouvrir la vie de ces défavorisés et de ces oubliés à plus d'amour, de fraternité et d'humanité chez les Béninois, trop fermés à cette frange sociale.


Marcel Kpogodo