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vendredi 3 août 2018

Les indépendances en Afrique, un vrai chemin de croix de Jésus-Christ


Dans le cadre d’une impressionnante performance de l’artiste Eric Médéda

Le mercredi 1er août 2018, le tronçon Carrefour du Calvaire de Fidjrossè-Espace culturel ’’Le parking’’, à Cotonou, a été secoué par une performance atypique intitulée ’’Mots de l’esclave’’ et liée à la commémoration du cinquante-huitième anniversaire des indépendances africaines. L’artiste peintre Eric Médéda, appuyé par le performeur stylé Prince Toffa, a laissé voir une mise en scène assez remuante.

La férocité des indépendances octroyées à l'Afrique par l'Occident
Un homme, jeune, rudement enchaîné, le corps luisant d’une sueur collante, d’une vigueur certaine, remarquable par une abondante barbe dont la noirceur forte s’harmonise avec celle de sa peau cuisant sous le soleil en déclin, et avec celle du slip, son seul vêtement, étroitement à la peau collée, est violemment tiré d’un bout de la chaîne par un autre personnage, plus élancé, complètement et élégamment vêtu, qui, à chaque coup dont il arrachait des pas au premier, s’écriait furieusement, « C’est ça l’indépendance ! », cueillant, périodiquement, à une chaîne de bonbon local communément appelé ’’Toffi’’, l’amuse-gueule pour s’en délecter de manière visible. La performance-spectacle dénommée ’’Mots de l’esclave’’, donnant froid dans le dos, qui a mis en émoi, pendant, plusieurs minutes, le tronçon Carrefour du Calvaire de Fidjrossè-Espace culturel ’’Le parking’’, à Cotonou, drainant un beau monde hétéroclite, vers la fin de l’après-midi du mercredi 1er août 2018, du fait du cinquante-huitième anniversaire des indépendances dont le Bénin ouvrait le bal de la célébration de celle des pays d’Afrique occidentale francophone, anciennement colonisés par la France.
« Haaa !!!! » était le cri que lançait douloureusement celui qu’on tirait et, qui, visiblement, était un esclave. Le point de départ de sa souffrance s’est révélé le carrefour de la Place du Calvaire du quartier de Fidjrossè de Cotonou où, maintenu immobile par la chaîne ayant été enroulée à son cou et dont l’un des bouts était attaché à un pieu métallique. Le personnage faisait dos au monument blanc surmonté de la sculpture de Jésus crucifié, isolé du public par une clôture.

Eric Médéda, les chaînes difficilement surmontables de l'Afrique
Visiblement, l’esclave, qui n’était personne d’autre que l’artiste peintre et performeur Eric Médéda, tentait de se défaire des chaînes qui entravaient son cou. En vain. Son expression faciale libérait une souffrance apparemment insupportable. Brusquement surgit un autre personnage à l’habillement assorti, dont les actes allaient l’imposer comme le bourreau du premier ; il jeta aux pieds de sa victime une pancarte blanche sur laquelle était écrit, en rouge : « Plus besoin de liberté ». A la vue du nouveau venu, l’agitation de l’esclave augmenta ; il s’accrochait aux chaînes qui lui servaient de collier comme pour s’en libérer. Dans ses va-et-vient, il tomba, dos au sol, face à son bourreau qui en profita pour manifester sa domination en lui posant lourdement chaussé sur la poitrine et martela : « Plus besoin de liberté ! », ce que l’esclave répétait chaque fois que l’autre scandait la phrase du déni de liberté. 
Ainsi, le maltraité donnait l’impression de se comporter de cette manière dans le but de voir ses souffrances s’amoindrir, ce qui ne se réalisait pas. 

Le périple douloureux de l'esclave, l'Afrique, vers une destination de jouissance par et pour l'Oocident
Le contremaître, alors, contraignit sa victime à se mettre sur ses pieds, d’où le début de son golgotha, lui qu’il tirait par la chaîne, comme un chien en laisse, le provoquant par des mots cruels : « C’est ça, l’indépendance ! ». Comme si la souffrance était le prix de la situation d’autonomie tant convoitée. L’esclave était si secoué qu’à l’’entrée de la place du Place du Calvaire d’où il sortait, il tomba, un peu comme Jésus-Christ. Et, l’artiste, performeur aussi, Prince Toffa, dans son rôle noir de l’impitoyable contremaître, arrachait régulièrement à celui-ci un douloureux et pathétique « Haaa ! ». 

''Le parking'', le Golgotha artistique, lieu de synthèse et non de crucifixion
De façon, il emmena son esclave, cahin-caha, dans une perturbation circonstancielle de la circulation, chemin, dans un espace culturel qui, depuis plusieurs mois, au cœur du quartier de Fidjrossè, développe une émulation artistique : ’’Le parking’’. S’imposa alors un débriefing de la performance-spectacle.


Décryptage d’un film de calvaire


Les artistes Médéda et Toffa, à l'heure de l'analyse de la performance avec le public
En fond sonore, une séquence de flûte d’un morceau de John Arcadius. Et, Eric Médéda, assis, à ses aises, malgré une lassitude bien perceptible dans ses crache : « Si tu ne sais pas où tu vas, tu dois savoir d’où tu viens », introduit-il avant de questionner le public qui s’est spontanément suivi dans son parcours golgothique typiquement de Fidjrossè : « L’histoire de notre pays est-elle l’histoire de l’esclavage ou est-ce l’histoire connue ou celle que nous a racontée le colon ? ». Sans attendre  de réponse, il dénonce : « Dans nos administrations, nous sommes un bon nombre de Noirs bien payés qui empêchent un bon nombre de Noirs d’évoluer dans leurs activités ; l’hôpital de référence n’en est plus un, tu y vas pour souffrir, de même que dans la maison ’’Justice’’, à cause de l’argent ». Puis, partiellement, il conclut : « Nous avons 58  ans d’indépendance, mais ce ne sont pas  58 ans de liberté ; nous n’avons plus besoin d’indépendance, nous avons plus besoin de liberté ». En outre, il livre une sorte de verdict : « Que l’esclave, dans sa chaîne, se batte pour le bien-être de son pays ! ».


1 appelle toujours 2

Le 1er août 2018, l’artiste béninois Eric Médéda, plus connu comme peintre, a effectué une performance déambulatoire aux contours d’un pathétisme aigu, étant donné le réalisme avec lequel, devenu, pour la circonstance, un bon acteur, il a incarné le rôle de l’esclave. Et, de son côté, l’autre artiste, Prince Toffa, en prenant au sérieux sa posture de contremaître cynique, a donné au parcours d’Eric Médéda une allure de la marche du Christ vers le Golgotha, le lieu de sa crucifixion. Contrairement au fils de Dieu, le jeune performeur a abouti à un discours amenant la population à réfléchir sur le sens et sur la portée des indépendances africaines : « La situation d’esclavage profite à tout le monde pour effectuer tous les types de dépenses, alors nous dépendons tous de l’esclavage ; l’Occident est esclave de l’Afrique et l’Afrique est esclave de l’Occident : […] l’escroquerie aussi a pour base l’esclavage ».
Devant un propos aussi politique, Eric Médéda donne l’impression de ne pas se cantonner à des performances de moindre impact, lui qui, en matière de démonstration publique, n’en est pas à sa première expérience, s’étant illustré, aussi, couvert de chaînes, dans une performance esclavagiste qui avait fait sensation, dans la soirée du samedi 3 octobre 2015, lors de la troisième édition de la ’’Nuit blanche’’, initiée par l’Institut français de Cotonou, avec une déambulation intitulée ’’A qui la liberté ?’’, ce qui lui avait permis de dénoncer l’oppression de la liberté par les lois, la famille, le mariage et la religion.
De son côté, Prince Toffa a apporté une contribution essentielle à l’expressivité de la performance, jouant le rôle de l’esclavagiste à qui le rudoiement, la maltraitance de sa victime ne faisaient pas froid aux yeux, incarnant, sûrement, l’Occident, l’ancienne puissance colonisatrice, selon le pays africain concerné, une entité politique qui, tout en chargeant de souffrances celui-ci, ne s’embarrasse pas de jouir de ses richesses de tous ordres, d’où la scène du ’’toffi’’, mis en chaîne, mélangé aux chaînes de l’esclave, et qu’il détachait allègrement comme si celui qu’il faisait souffrir n’était pas un être humain. D’ailleurs, il poussait le cynisme jusqu’à inviter le public à venir cueillir, comme lui, le ’’toffi’’, au cou de l’esclave. En outre, apparemment, c'est volontairement qu'Eric Médéda n'est pas recouru à un homme de peau blanche pour incarner le rôle du dominateur, surtout que, depuis que les indépendances sont intervenues, l'Occident passe par le Noir pour garantir ses intérêts en Afrique, pour appauvrir, chaque jour, davantage, ce continent.
Avec ce courage de création et de jeu, Eric Médéda semble vouloir marcher dans les pas de déambulateurs artistiques béninois de poids et d’influence, tels que Meschac Gaba, Dominique Zinkpè et, notamment, le metteur en scène Alougbine Dine. La verve, qu’il développe actuellement, davantage structurée et aboutie, l’y aidera et le déploiera plus loin et plus haut.

Marcel Kpogodo                

dimanche 9 octobre 2016

L’artisanat et l’art en exposition sur le fil

Dans le cadre d’un projet Boucher-Adonon 


Du 16 au 21 septembre 2016 s’est tenue une exposition sur le résultat de plusieurs semaines d’un travail artisanal et artistique sur le fil. Le cadre en était le Centre ’’Arts et cultures’’ de Lobozounkpa, à Godomey, dans la Commune d’Abomey-Calavi.

Martine Boucher, dans ses explications, au cours de l'exposition
12 tisserands engagés, un peu plus de 20 photographes, designers textile, stylistes. La statistique de la ressource humaine émanant des secteurs de l’artisanat et de l’art, celle qui a été mobilisée, pendant une trentaine de jours, pour le compte du projet intitulé, ’’Autour du fil’’ et dont l’exposition des œuvres, close le 21, a été réalisée le vendredi 16 septembre 2016, dans une ambiance musicale d’une certaine vivacité, entretenue par l’orchestre, ’’Wood sound’’.

Calixte Somaha, représentant de ''Wallonie-Bruxelles'', à la cérémonie de lancement de l'exposition
Constant Adonon
L’aboutissement que constitue l’exposition se fonde sur un projet co-piloté par Martine Boucher et Constant Adonon, avec un financement de ’’Wallonie-Bruxelles’’, dans le cadre de ce qu’il a été convenu d’appeler un « atelier africain de design ». Parmi les compétences artistiques y ayant enrichi leur expérience, il faut compter, parmi les photographes, Audace Aziakou, Louis Oké-Agbo, Brunick Bonou, Yanick Folly, Sophie Négrier, Warren Saré et Totché, puis dans celle du design textile, Prince Toffa, Vincent Baillou, Estelle Chatelain, notamment, sans compter que les tisserands s’étant investis dans l’initiative proviennent d’un historique site de travail, le palais d’un souverain compté comme un grand innovateur au Royaume du Dahomey : le Roi Agonglo.


Quelques objets utilitaires fabriqués au cours de l'atelier
Ainsi, avec le fil comme matériau d’inspiration, toutes sortes d’œuvres ont vu le jour, et même des objets utilitaires, comme des sièges, ce qui contribue à valider une logique chère à Martine Boucher : la modernisation d’un processus d’exploitation du fil, délétèrement ancré dans un conservatisme peu productif à notre époque, sans oublier l’ouverture d’un corps de métier au monde, tout simplement.


Marcel Kpogodo

dimanche 20 janvier 2013

Destruction de '' L'homme debout '' à Ouidah

Coup de gueule des artistes béninois

L'oeuvre détruite, ''L'homme debout'' de Bruce Clarke, une femme debout ...
En marge d'un reportage sur un vernissage à la Place du Souvenir, ex-Place des Martyrs de Cotonou, ce samedi 19 janvier 2013, des artistes béninois, Prince Toffa, Thierry Oussou (Ces deux premiers ont fait partie de la construction collective de '' Lhomme debout '' avec Bruce Clarke) et Marius Dansou, ont réagi concernant le rasage, sur les ordres du Ministère de la Culture du Bénin, sur le site de la Porte du Non-Retour à Ouidah, de l'Oeuvre artistique collective de sept artistes béninois, patronnée par le plasticien Sud-africain, Bruce Clarke, dénommée ''L'Homme debout''. Elle avait été réalisée sous l'initiative de la Fondation Zinsou. Cet artiste mondialement connu s'est déjà illustré dans ce genre de chef-d'oeuvre dans un pays comme le Rwanda sur les lieux de mémoire du génocide des Tutsis .



L'artiste-plasticien Prince Toffa : 
" Ce qui m'a fait mal, moi, dans cette affaire, c'est que, faisant partie du ''workshop de Bruce Clarke'' qui était passé au Bénin, c'est que nous avons travaillé de manière acharnée pour deux semaines avant d'avoir accroché la toile et, il paraît que c'est le Ministre de la Culture qui a donné l'ordre qu'on la casse ... Ce qui me fait mal, c'est l'oeuvre d'art cassée ; on ne peut pas casser une oeuvre d'art, c'est une toile de 8m x 3m ! On aurait pu l'enlever ... (Visage très amer) On aurait pu l'enlever avant de casser l'endroit ! On ne peut pas casser une oeuvre d'art, c'est impossible ! Si c'était le Ministre de la Défense ou le Ministre des Travaux Publics, on aurait pu comprendre cela ! Là, maintenant, on parle du Ministre de la Culture, quelqu'un qui est censé connaître la Culture, la valeur d'une oeuvre d'art ! Je suis désolé, c'est impossible, c'est terrible ! Je ne suis pas du tout content ... "

L'autre plasticien, Thierry Oussou : 
" Un Ministre ? Donner l'ordre d'aller casser une oeuvre ! C'est vraiment dommage ! A sa place, moi, j'aurais démissionné, même si c'est qu'on m'avait demandé de le faire ... On aurait pu décrocher l'oeuvre et casser le mur ! Ce mur était resté là pendant très longtemps avant qu'on ne travaille sur une bâche tissée ... On aurait pu appeler la Fondation Zinsou pour lui dire : " Venez enlever la bâche ... " On est en train de se battre pour que la population accepte l'art béninois mais, lui, il est en train de faire le contraire ! Nous, nous sommes contre le fait qu'ils aient cassé l'oeuvre ! Il peut y avoir quelque chose entre le Ministre et la Fondation ; nous, on ne veut rien en savoir. Mais, c'est l'acte que moi, je condamne ! " 

Le plasticien, spécialiste des Masques, Marius Dansou : 
" Franchement, il faut placer des gens à la place qu'il faut ! Moi, je suis désolé qu'un Ministre de la Culture puisse donner l'autorisation de casser une oeuvre ... J'ai été choqué quand j'ai appris l'histoire ... Comment on peut casser une oeuvre d'art ? On ne peut pas détruire une oeuvre d'art ! Il y a de l'émotion là-dedans ! Cela a été conçu par des artistes ! Cela a été réfléchi, pensé, pendant des années ! Je suis désolé ! On ne peut pas détruire une oeuvre d'art comme ça, par amour et par respect pour l'art ! Je suis désolé ! Je suis vraiment désolé ! Actuellement, là où je suis, je suis choqué, je n'arrive même pas à m'exprimer comme il faut ... " 

Propos recueillis par Marcel Kpogodo