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mercredi 17 avril 2013

Représentation de "Tremblement de corps" au Fitheb

Une mise en scène réussie du rapport sexuel


La grande salle de spectacles du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb) a vibré, le samedi 13 avril 2013, en début d'après-midi, sous les déclamations passionnées de la représentation de la pièce de théâtre, "Tremblement de corps", écrite par Hurcyle Gnonhoué, dans une mise en scène de Giovanni Houansou. Un vrai délice : les étapes conduisant inévitablement à l'acte sexuel ont été explorées d'une manière plus ou moins pudique.

Les convulsions intimes d'un corps délaissé et la rage d'un visage ignoré 
Si un corps était sujet à du tremblement, c'était celui de Majoie, épouse du président de la République, première Dame du pays, physiquement abandonnée, affectueusement délaissée et sexuellement sacrifiée par son époux trop emporté dans ses préoccupations nationales. La nature ayant horreur du vide, celle-ci jette son dévolu sur Salem, un journaliste brillant, mais politiquement débarqué de sa structure professionnelle et qui décide de lancer son propre organe de presse. Celle-ci saisit la balle au bond et reçoit chez lui sa proie, sous prétexte de lui accorder une interview très prisée. Arrivé chez elle tout concentré sur l'entretien qu'il va concrétiser et, rendu euphorique par le caractère unique de sa chance, il se trouve progressivement pris sous le feu du harcèlement affectif et sexuel de son sujet. Sous la menace, il  se laisse aller à consommer l'acte fatidique, pour être vite congédié, le président arrivant. La substance de la pièce de théâtre jouée, le samedi 13 avril dernier, à la grande salle de Spectacle du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb).    
Salem Sachou, à gauche,  et son collègue journaliste, discutant du protocole d'interview 
Le décor de la scène était pragmatiquement doté du strict nécessaire de meubles pour une expression du jeu des acteurs. Dans un premier temps, l'ambiance matérielle d'un jeune célibataire, un appartement à deux pièces. Ensuite, le salon de l'épouse présidentielle avec, sur la gauche, un écran plat symbolique et une chaise, un divan, sur la droite. 
Majoie Ramzi ne peut voir son mari de président qu'à la télévision ... 
Alors, Didier Sèdoha Nassègandé, alias Salem Sachou, n'a pas fait économie de son talent ni de son énergie pour imprégner dans ses gestes la soif d'un journaliste de pénétrer dans l'intimité féministe d'une première Dame apparemment peu engagée dans sa mission de conseil à son époux de président. Il réussit le jeu du naïf qui se plante lorsque la phrase ultime de son interlocutrice l'atteint en plein cerveau et le ramène à la vraie mission en vue de laquelle il a été instrumentalisé : "Soit tu plonges en moi, soit je te plonge !" 
... ce qui la pousse à des actions aguicheuses envers son interviewer ...
C'est ainsi que Majoie finit par dévoiler la stratégie qu'elle a savamment ourdie pour combler le manque de tous ordres et dominant sexuellement qui la tend. De ses perles de hanche, elle réduit au silence la résistance trop morale de son vis-à-vis ; le corps-à-corps salvateur a lieu et, dès qu'une sorte de satiété libidineuse est atteinte, elle se débarrasse de son amant comme d'une orange sucée. La femme de haut rang, aigrie, grincheuse, piquante comme une épine et aguicheuse, c'est la psychologie qu'a réussi à concrétiser Josiane Térème ; elle s'est donné le courage et le talent de jouer à cette femme en chaleur et en furie, prête à tout pour qu'un bafouement de plus ne lui donne pas l'auto-fabrication de la confirmation du caractère piètre de sa personne. De la mise en avant de ses charmes au difficile triomphe final, en passant par un mur de règles éthiques dont elle s'est heurtée aux aspérités, elle a touché le public de l'expression des lambeaux de ce qu'elle est, elle, pourtant respectable. 

... qu'elle finit par harceler ouvertement ...
Et, ce n'est pas Mathieu Koko qui, dans son double rôle sucessif de collègue de Salem Sachou et de chef d'Etat cocu, n'a pas été méritant, surfant entre sa personnalité professionnellement négligente de journaliste et celle politiquement surbooké et inefficace de président de la République.   
... assurée de sa réussite, manipulant la perle de hanches ...
... et finit par les conduire aux ébats fatidiques.
Broutant allègrement dans ce vaste registre de réussites, Giovanni Houansou, le jeune metteur en scène, lui aussi, en réussite, tire sa force de la simplicité réaliste du décor et de la décomposition de la pièce en différentes séquences aboutissant au point final de l'acte sexuel dont il a magnifié l'exercice sans choquer, sans rendre un jeu intolérable aux âmes sensibles et pudibondes : des soupirs conjugués et appropriés soutenus par un balancement harmonieux des deux corps debout, sur un fond de lumière de boîte de nuit dans une séquence de zouk love. Pour finir, toute la pièce Tremblement de corps se met sous les feux de la rampe de la valeur littéraire ; cette mise en scène contribue à valider une jeune plume dramatique dont la valeur a précédé le nombre des années : Hurcyle Gnonhoué.

Marcel Kpogodo


Brice Bonou, à gauche, les acteurs Mathieu Koko, Josiane Térème et Didier Nassègandé et, les surplombant, Hurcyle Gnonhoué, à gauche, et Koffi Attédé, à droite ...

... et, enfin, le metteur en scène, Giovanni Houansou, entouré de Régis Dapko, le régisseur, à gauche, et de Rodrigue Kouyayi, à droite

Impressions d'après-représentation

Hermas Gbaguidi, dramaturge et metteur en scène : "Les jeunes ont essayé ; il faut se réjouir du travail qu'ils ont fait. Je tire un chapeau à Giovanni et à ses collaborateurs !"

Humbert Quenum, comédien professionnel : "C'est une pièce à deux tableaux, le premier étant celui des échanges entre les deux journalistes qui parlent de la préparation de l'interview et, le deuxième, c'est le dialogue entre le journaliste et la première Dame. Le dialogue du premier tableau n'est pas au niveau du dialogue du deuxième. Le défi du metteur en scène était de travailler au moins à égaler les dialogues ou à entrer dans un processus d'évolution du premier tableau vers le deuxième. Je vois qu'ils ont choisi l'approche d'aller dans une progression du premier vers le deuxième tableau, et qu'il y a une évolution du dialogue, à un certain niveau, dans le deuxième tableau. Ce n'est pas mal comme approche de mise en scène. Je trouve aussi que les comédiens ont joué simple, ce que j'aime bien ; ils n'ont pas cherché à instrumentaliser le texte, de se l'approprier et de pouvoir communiquer leur personnalité au public."         

Brice Bonou, Promoteur culturel : "Je peux dire que le spectacle a satisfait mes attentes, en tant que porteur du Projet. Ayant défini tous les axes dès le départ, il a satisfait mes attentes. Mais, c'est le public qui dira s'il est bon ou pas".







Giovanni Houansou, metteur en scène de "Tremblement de corps" : "Aucune mise en scène n'est abordable aisément. Cette pièce, particulièrement, était assez difficile à aborder, parce que l'auteur a utilisé un niveau de langue vraiment vraiment fort. Il fallait procéder à une sorte de contextualisation, de sorte à agir beaucoup plus sur les images ; elles sont beaucoup plus compréhensibles. Pour les populations qu'on devait rencontrer et les localités que nous avons traversées, il fallait agir sur les images, pour que le niveau de langue ne soit pas un frein à la compréhension. Donc, dans cette optique, la mise en scène devait aller plus fort et nous amener à réfléchir, et à trouver les images justes pour montrer ce qu'on voulait montrer et pour nous faire comprendre. Donc, ce n'était pas abordable, mais cela a été abordé. Ce n'était pas facile, mais cela a été fait. Pour atteindre ce résultat, nous avons eu l'appui de certains aînés qui ont apporté un regard extérieur, en ce sens qu'au cours du travail, ils sont venus voir et ils ont posé leur œil de quelqu'un qui n'était pas dans le processus au départ. Ceci leur a permis de nous faire voir des choses, de poser des interrogations qui nous ont amenés à réfléchir encore. Et, à plusieurs reprises, nous avons été amenés à retourner un peu en arrière. "Ah! Telle chose ne fonctionnait pas très bien ... ", "Quelle est la compréhension que les gens de l'extérieur peuvent avoir de la chose?" Tout cela nous a permis d'aboutir à un résultat qui, ma foi, n'est pas négligeable. 
Quant aux scènes érotiques suggestives, c'était la préoccupation majeure quand on voulait aborder cette mise en scène, parce que tout le monde se demandait : "Comment il va traiter ces scènes ? Est-ce qu'on va montrer les gens en train de faire l'amour ? Ce qui serait vulgaire et, on ne serait pas au théâtre, parce que cela ne servirait à rien de montrer à quelqu'un comment on fait l'amour ; tout le monde sait comment on le fait à la maison. Ces scènes-là devaient être travaillées de sorte à offrir une image qui suggère ce fait, une image qui soit universelle et compréhensible, acceptable de tous. Et, cette interrogation qui nous a amenés à réfléchir, nous avons passé plein d'images et, on a finalement opté pour cette scène que vous avez vue. C'est vrai que vous allez voir qu'à un moment du spectacle, la dame soulevait un peu sa jupe et, là, les gens ont eu peur, ils se demandaient comment cela allait se passer. Pour nous, c'était une façon de dérouter l'attention ; qui suivait le spectacle pouvait croire que nous irions à l'acte, mais nous n'y sommes pas allés. C'est une façon pour nous de surprendre le public. Ils ont fait l'amour, vous l'avez compris ; c'est déjà bon, c'est ce qu'on voulait."

Josiane Térème, alias Ramzi Majoie : "Il faut comprendre une chose : celle que vous avec vue sur la scène, ce n'était pas Josiane ; vous avez vu Madame Majoie Ramzi : c'est différent de Josiane. Donc, j'ai incarné un personnage. Pour cela, il fallait que je me l'approprie avant de pouvoir l'exprimer, l'extérioriser, il fallait . Si je ne suis pas convaincue de ce que je fais, je ne peux pas en convaincre les autres. Donc, vous n'avez pas vu Josiane Térème, là, sur scène, mais vous avez vu Majoie Ramzi, sur scène, c'est deux choses carrément différentes. Pour la nudité, c'est un personnage imaginaire que vous avez vu, libre à vous de prendre ce que vous voulez et de laisser ce que vous ne voulez pas, c'est libre à vous de le comprendre. 
En fait, le travail de comédienne est une recherche perpétuelle, on cherche chaque jour que Dieu fait. Si tu es appelée à incarner un rôle, il faut voir tous les contours de la chose, il faut d'abord une culture personnelle de la scène ; un comédien est amené à faire n'importe quoi, si on me demande de me mettre nue et de jouer un personnage qui n'est pas moi, Josiane Térème, je le ferai, parce que c'est ça mon rôle, c'est ça mon boulot, c'est de ça que je vis. Quand on vit de quelque chose, on s'y met à fond pour le faire, de manière bien, de manière correcte. 
Je me dis que la nudité que vous avez vue, c'est mon travail de comédienne, j'ai joué mon rôle comme mon metteur a su me guider, a su me l'inculquer, a su me le faire comprendre et à me le faire jouer ; j'en suis fière.
J'ai commencé en 2004 au Club Unesco de l'Université de Kara (Nord-Togo, Ndlr). Mais, j'ai commencé effectivement ma carrière professionnelle en 2007-2008, ce qui m'a fait révéler au grand public togolais, à l'actuel Institut français du Togo. A part ça, j'ai fait des scènes internationales en France, en Belgique, j'ai joué au Burkina, au Niger, au Cameroun, pour ne citer que ces pays. C'est une expérience pour moi. Je me dis que la scène, c'est ma vie, et je ne sais pas faire autre chose. Je suis titulaire d'une Maîtrise en Sciences du langage et de la communication, j'ai aussi un diplôme de Marketing et de télécommunications, et un diplôme de Management. Mais, quand l'art te prend, il te prend, il est en toi, il faut que tu l'extériorises, tu ne peux pas faire autrement, ça t'appelle, ça t'appelle ! 
Il y a quelques années, je ne pouvais pas oser dire que je vivais uniquement du théâtre, mais, aujourd'hui, je peux le dire, je l'affirme haut et fort : même si ce n'est pas tout le temps qu'on a un contrat, ou qu'on nous appelle sur de grandes créations, j'arrive quand même à m'en sortir, je trouve au moins mon pain quotidien. Je suis aussi dans le cinéma, la publicité. Donc, je vis de mon art qui est l'art de la scène". 


Hurcyle Gnonhoué, auteur de "Tremblement de corps": "Le message de ma pièce, il est tout simple : du point de vue sociologique, c'est la question de la condition de la femme, telle qu'elle est traitée, de nos jours, à travers tout ce qui est cérémonies et fora. Ce n'est pas que cela me gêne, mais la manière dont c'est traité me gêne, de telle sorte qu'on n'a pas idée qu'il y a une catégorie de personnes qui peut bien souffrir de cela. Ici, j'ai voulu jeter mon regard dans l'univers des premières Dames, pour voir un peu comment ça se passe, puisque c'est éminemment elles qui sont d'abord devant l'actualité de la condition de la femme. Et, l'imagination m'a permis de construire cette pièce que nous avons eue, pour constater, justement, que ce n'est pas forcément évident qu'une première Dame soit heureuse tel qu'on puisse le penser, puisque l'épanouissement de la femme, ça passe aussi par la présence affective de l'homme qui, désormais est Président et qui donc, est président  d'un pays et, un peu moins, le mari d'une femme. C'était le message essentiel. En dehors de ça, puisque nous évoluons dans un univers politique, d'autres questions d'ordre politique se sont infiltrées pour construire la trame de la pièce. Prenons, par exemple, le statut du journaliste, le journaliste qui peut être démis, à qui on peut arracher son émission, par exemple, à partir d'une simple décision d'un président ou d'un directeur d'organe, sous l'influence d'un président ou bien d'une autorité, tout simplement. En tant que telle, on a toujours dit que la presse est le quatrième pouvoir, mais, moi, je pose la question, dans cette pièce, par exemple " Est-ce que la presse est restée un pouvoir? Est-ce qu'elle peut faire montre d'un statut de pouvoir et rivaliser même, en imposer de ce statut de pouvoir aux autres pouvoirs que sont le judiciaire, le législatif et l'exécutif ?" Au-delà de tout, ma pièce, c'est beaucoup plus de l'imagination, de l'imagination nourrie de faits quotidiens. Je n'en veux pour preuve que les différents déplacements de nos Président, qu'ils soient américains, africains ou européens ; tels ils bougent que je me demande s'ils ont une vie privée, à la fin. Et, me mettant un peu à la place du justicier, je me suis demandé si leurs épouses bénéficient de leur présence. Tout près de chez nous, tout près de nous, les gens disent voir des présidents qui bougent beaucoup, les gens disent des choses qui ont trait à des présidents ; j'ai eu des retours de la pièce, déjà éditée, qui m'ont mis sur des pistes réelles qui nous entourent, que nous côtoyons tous les jours. Mais, je dis : l'imagination a une grande part dans cette création. Et puis, la création se nourrit de son environnement aussi". 


Propos recueillis par Marcel Kpogodo