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dimanche 5 mai 2013

Restitution de la résidence du Pavi à Cotonou

9 artistes de la vidéo projettent une inspiration spécifique

La soirée du 1er mai 2013 a donné lieu à une effervescence particulière à la Place du Souvenir de Cotonou. Le moment qu'ont choisi neuf stagiaires vidéastes de quatre nationalités différentes pour partager le fruit de leurs échanges professionnelles d'une bonne quinzaine de jours sur l'art de la vidéo, à l'initiative de l'Association "Elowa", dirigée par l'artiste Rafiy Okéfolahan. Les artistes, en fin d'atelier, ont permis au public de se régaler de projections révélant la fécondité particulière de chacun d'eux.

Neuf œuvres vidéo, de quelques secondes chacune, ont constitué un véritable élément de fascination. C'était au niveau du couloir de jonction des deux voies goudronnées passant de part et d'autre de la Place du Souvenir, lieu de circonstance d'exposition. Il a servi de cadre, le mercredi 1er mai 2013, en début de soirée, à la restitution vidéo de quinze jours de travaux d'atelier auxquels ont participé six artistes vidéastes béninois, un, togolais, un autre, malien et, un autre encore, camerounais. 

Une ambiance d'atelier
Autant qu'ils sont, leur parcours montre qu'ils ne sont pas nés de la dernière pluie, d'abord, en matière d'art plastique et, ensuite, dans le domaine de la vidéo d'art. Ce sont, respectivement, Rafiy Okéfolahan, Ishola Akpo, Mathieu Adjèran, Thierry Oussou, Totché, Dina, Eza Komla, Kôké et Kajéro. 
Rafiy Okéfolahan, observant le déroulement ...

Sous le couvert du Projet dénommé Password art vidéo international (Pavi) 2013, ils ont enrichi leurs connaissances en suivant cinq modules bien précis : la prise de vue, le montage virtuel, l'écriture de scénario, l'analyse critique du récit littéraire et filmique, et l'art vidéo. 

.... des projections
Selon Rafiy Okéfolahan, Président de l'Association Elowa, qui a eu et concrétisé l'idée de cette formation, l'atelier, s'étant déroulé du 15 au 30 avril 2013, a consisté à focaliser l'attention des participants sur les tenants et les aboutissants de l'art vidéo, en ce qui concerne son histoire et les différentes techniques qui lui sont liées. Il a précisé qu'à l'issue du processus des échanges entre les neuf artistes, chacun d'eux a conçu une vidéo d'art, ce qui, d'ailleurs, faisait l'objet de l'exposition. Par la suite, ces productions seront gravées sur un support DVD et diffusées à partir d'autres sites précis de la ville de Cotonou. Cette expérience, inévitablement, fait ressortir l'humilité des stagiaires et leur volonté de partage et de communion professionnelle et artistique avec l'autre. Une humilité qui a généré des vidéo de génie, dans une spécificité et une variété enrichissantes d'inspiration.

Marcel Kpogodo


Impressions des artistes présents et d'Elise Daubelcour

Présents à l'exposition de restitution, la plupart d'entre eux ont accepté de se prêter au jeu d'explication de leur oeuvre.

Ishola Akpo, avec Le reflet du ciel : "Je m'adapte à toute chose, parce que, d'abord, l'eau prend forme à partir de ce que vous lui donnez, à partir de la couleur que vous lui donnez, l'eau prend forme à partir de ces éléments-là. Donc, pour moi, l'eau est un élément important dans la vie de l'homme, qui peut être aussi un élément de bonheur et aussi un élément destructeur ; je suis comme l'eau, je m'adapte, je peux être aussi ouvert, comme je peux montrer mon côté négatif comme mon côté positif ; je pense que tout être humain est pareil, il peut montrer son bon côté comme son mauvais côté. 
Donc, "Le reflet du ciel', c'est aussi, toujours parlant de l'eau, c'est une source naturelle qui nous vient du ciel, d'où le nom "Reflet du ciel". Mais, la vidéo que j'ai présentée est une vidéo-performance. C'est parce qu'on n'a pas eu assez de temps, sinon, j'allais faire cette performance. La performance est une forme théâtrale que l'artiste monte avec un sujet bien élaboré. Là, comme on ne devait pas avoir assez de temps, j'ai demandé à être dans ma vidéo ; au lieu d'aller filmer les autres, moi, je me suis mis sur la scène et, face à la caméra, pour exprimer mon idée. Donc, voilà un peu la particularité de ma vidéo ; vous m'y voyez avec une source d'eau quitte là-haut et me tombe dessus ; c'est une vidéo-performance. 


Dina, avec De l'ombre à la lumière : "Je veux mettre la lumière en valeur à travers l'ombre. C'est pour dire que, de la façon dont on voit l'ombre, ce n'est pas forcément ça. L'ombre, c'est la nuit qui nous fait voir la valeur du jour, c'est nos échecs qui nous poussent à rechercher la réussite. C'est un peu ça : dans ma vidéo, on voit apparaître une faible lumière qui bouge dans du noir, dans de l'obscurité carrément. Je peux dire aussi que j'aime beaucoup la spiritualité et que je travaille beaucoup là-dessus. Même dans toutes mes œuvres, j'essaie de me rapprocher un peu de la spiritualité.


Totché, avec Chacun a ses chances : Cette oeuvre invite toute la jeunesse d'Afrique, notamment, la jeunesse béninoise, à se mettre au travail, d'abord, et, après avoir acquis, les connaissances, les bases nécessaires qu'il faut, de se lever, avec courage, avec détermination, et de taper à toutes les portes. Dans la vie, j'ai remarqué qu'il y a un symbole très fort, chez nous, à la base : quand tu arrives chez toi, tu ouvres une porte d'abord avant d'entrer dans ta chambre et, quand tu sors, tu la fermes. Donc, il y a ce système d'ouvrir et de fermer. Et, la vie aussi, c'est ça ; quand on tape à une porte, l'intéressé qui est à l'intérieur peut choisir de ne pas ouvrir, comme il peut ouvrir. Aujourd'hui, la jeunesse, après avoir acquis toutes les connaissances, toutes les capacités pour construire sa nation, doit se lever et aller taper à toutes les portes ; quand une ne s'ouvre pas, il y a l'autre qui va s'ouvrir. Dans la vidéo, j'ai pris l'exemple des enfants parce que, aujourd'hui, nous, on a un âge donné et, on doit
dire aux jeunes, aux enfants de prendre conscience et connaissance de cela pour ne pas venir, un jour, à la dépravation.

Thierry Oussou, avec La protection : Au fait, je parle de la protection dans tous ses sens ; j'ai utilisé, comme matière, la bague ; le port de la bague procure beaucoup de choses, on peut porter la bague pour se protéger mystiquement, et aussi, pour se protéger contre l'infidélité. Donc, c'est dans ce sens que j'ai essayé de traiter ma vidéo". 

Rafiy Okéfolahan, avec Waba : " "Waba", c'est ce qui est accessible ; j'ai fait le constat que les vendeurs et les transporteurs d'essence ont l'habitude de nous inviter à venir acheter leur produit avec des slogans comme "Waba ! C'est accessible, venez, c'est moins cher !" Et, dans mes analyses, j'ai compris que leur vie, de la manière dont ils passent à la mort est aussi Waba ! C'est aussi très facile, parce qu'il suffit que le bidon d'essence, qu'ils transportent d'un point à un autre, explose pour qu'ils perdent la vie ; c'est ça que j'ai voulu montrer. Je voulais aussi toucher le côté selon lequel le trafic d'essence est tellement enraciné qu'il occupe une grosse part dans l'économie, c'est le cœur ; quand on essaie d'interrompre le trafic d'essence, tout va au ralenti". 


Mathieu Adjèran, avec The way : " "The way", c'est le chemin ou la voie ; c'est une invite à chacun pour qu'il écoute la voix de sa voie, c'est-à-dire que, dans la vie de chacun, à un moment donné, on est appelé à prendre une voie. Et, cette voie, quelle qu'elle soit, demande forcément un sacrifice. L'inspiration me vient d'une légende du Fâ sur la voie, qui voudrait que, sur n'importe quelle voie sur laquelle on s'engage, pour aboutir, il faut se sacrifier, il faut un sacrifice. Dans ma vidéo, vous verrez que tous ceux qui s'engagent sur une voie n'y vont pas au bout ; à un moment donné de leur cheminement sur la voie, on les perd. C'est pour symboliser qu'il est beaucoup qui s'engagent sur des voies mais, très peu y vont au bout, parce que, sur chaque voie, il y a un sacrifice et, beaucoup n'arrivent pas à supporter ça. Je vous prends le cas du journaliste culturel que vous êtes : vous êtes les moins nantis dans la corporation encore des journalistes . Donc, il y a très peu, sûrement, qui se sont engagés un jour comme journaliste culturel mais, aujourd'hui, ce peu continue. Dans ma vidéo, beaucoup s'engagent sur une voie mais peu en arrivent au bout, au beau milieu, on les perd. A un moment donné, quand vous regardez ma vidéo, on voit une voie presque vierge, de la broussaille. C'est pour dire qu'aucune voie n'est assez comble, n'est assez vieille pour qu'on ne s'y engage pas. En réalité, toute voie est toujours vierge pour qui veut s'engager vraiment. A la fin, j'ai mis : "Find yours ...", pour dire : "Trouve la tienne et va jusqu'au bout ; sûrement, cela va te demander des sacrifices mais, quand tu vas jusqu'au bout, tu deviens champion et, même les gens qui avaient voulu te dérouter hier viendront t'applaudir, t'acclamer, parce qu'ils verront que tu es un champion. Donc, trouvons notre voie, suivons-la, acceptons les sacrifices nécessaires que cette voie va nous demander. Donc, la voie aussi comme option, comme vie, comme engagement ... Quand tu choisis ta voie, ça devient un engagement".

Eza Komla, artiste togolais, avec une vidéo sans titre : "Je suis venu ici dans le cadre d'un atelier vidéo et, l'oeuvre que j'ai créée n'a pas de titre. J'ai travaillé spécialement sur l'eau. Dans mon oeuvre, j'ai parlé un peu de l'illusion que le commun des mortels a en disant qu'on a de l'eau en abondance, alors qu'au fin fond, l'eau est très rare. A l'allure où vont les choses, la plupart des grands dirigeants de ce monde disent que la troisième guerre mondiale, c'est la guerre de l'eau. J'ai créé ma vidéo tout en me référant aux résidences d'étudiants, à l'Université d'Abomey-Calavi. On voit que, dans leur baignoire ou dans leur douche, il y a un peu de gaspillage de cette eau, parce qu'on a cette impression qu'on a de l'eau en abondance, et le commun des mortels en abuse en la gaspillant. Et là, vous voyez dans la salle de bain de ces étudiants, il y a des robinets endommagés, l'eau coule abondamment des robinets ; dans des coins de l'université, ils restent ouverts et l'eau sort ! Donc, mon travail tourne autour du gaspillage".

Kôké, artiste malien, avec A la recherche de l'abondance : "Individuellement ou collectivement, tout être humain, tout pays, tout continent, tout le monde cherche, cherche, cherche le progrès, l'abondance. Donc, individuellement, quand on regarde la vidéo, on a l'eau, la mer, le chapelet en cauris. L'eau est source d'abondance, elle est la source de vie, tout vient de l'eau, tout part de l'eau. Quant au chapelet, il est une source de l'exhortation de Dieu, pour demander à Dieu de me donner des lendemains meilleurs. Les cauris, c'est l'abondance, la richesse, c'est la première monnaie de nos ancêtres ; quand tu avais assez de cauris, ça voulait dire que tu étais riche. Donc, finalement, l'homme est à la recherche de l'abondance jusqu'à ce qu'on arrive à un moment, dans la vidéo, où le chapelet se transforme en famille : sans elle, on n'a pas le bonheur ; le chapelet se transforme en cœur : sans amour, il n'y a pas de progrès ; sans l'amour de la patrie, de la nation, nos dirigeants ne peuvent pas développer nos patries, nos nations. Après le cœur, le chapelet se transforme en une carte de l'Afrique: le jour où les dirigeants, où les citoyens africains aimeront leur pays, ce jour-là, on va se développer. Donc, il faut l'amour de nos patries, il faut chercher, chercher et chercher, tomber et chercher ; je me dis que l'Afrique est en train de bouillonner, de se chercher mais, quand est-ce qu'on aura cette abondance-là ? Donc, la vidéo, c'est ça, en quelque sorte : tout vient de l'eau, tout revient à l'eau ; même scientifiquement, le monde est venu de l'eau, quand l'eau disparaîtra, le monde va partir. Religieusement, la fin du monde est avec l'eau, c'est l'eau qui va sortir des montagnes, du sol, pour engloutir la terre. Tout vient de l'eau, l'eau est source de vie, d'abondance. Et puis, chacun est libre d'interpréter cette vidéo comme il le veut".       

Elise Daubelcour : "Par rapport à la restitution de l'atelier vidéo, je pense que c'est une bonne chose qu'il puisse y avoir des initiatives de ce genre, ici, à Cotonou et puis, généralement, au Bénin. On avait vu qu' "Unik" (Complexe culturel de Dominique Zinkpè, Ndlr) avait fait, à l'époque, avec la Fondation "One minute" un atelier du même genre et que cela a pu se poursuivre avec des associations comme "Elowa", avec Rafiy, je trouve que c'est très bien, ça ne peut être que bénéfique pour les artistes, surtout que l'art de la vidéo n'est pas très répandu ici.    

Propos recueillis par Marcel Kpogodo